Défiscalisation immobilière abusive : un gros chantier pour la défense

Défiscalisation immobilière abusive : un gros chantier pour la défense

Défiscalisation immobilière abusive : un gros chantier pour la défense

Les affaires d’arnaque à la défiscalisation immobilière se multiplient Pour les défenseurs des victimes, les dossiers sont lourds à gérer du fait du grand nombre des plaignants et nécessitent de mettre en place une organisation… béton. PAR BRUNOWALTER

C’est toujours la même histoire. Un commercial habile, un client qui se laisse séduire par un discours bien rodé. Et au bout du compte, une entourloupe. Depuis quelques aimées, le nombre des arnaques à la défiscalisation immobilière explose. Selon le magazine Que Choisir, près de 100 000 Français se seraient laissé berner après avoir été bercés par le doux chant des sirènes d’une trop belle affaire : moins d’impôts, des loyers qui couvriront les mensualités de l’emprunt et, à l’arrivée, une propriété à revendre avec, bien entendu, une importante plus-value à la clé. Qui ne se laisserait pas tenter ? Sauf que la société déménage à la cloche de bois et que les appartements pro¬mis sur la plaquette en couleur ne sont jamais achevés. Et voilà les investisseurs lessivés financièrement, avec sur les bras, un bien immobilier virtuel

FACE A UN CONTENTIEUX DE GROUPE

Ces affaires sont complexes : les plaignants sont nombreux, les responsabilités des différents acteurs pas toujours simples à dé¬nouer. Lorsque les investisseurs floués se regroupent, le cabinet chargé de la défense de leurs intérêts se retrouve soudain face à un contentieux de groupe, avec des dizaines, voire des centaines de dossiers à gérer. Toute une organisation doit se mettre en place. C’est ce que deux avocats parisiens, Thibault du Manoir de juaye et son associé Eric Hautrive ont découvert en acceptant un important dossier de défiscalisation immobilière qui a laissé 150 investisseurs sur le carreau. Le cabinet assure la défense de près de 110 d’entre eux, «Nous avons été choisis par l’association de défense qui s’est constituée », explique Thibault du Manoir. Lui est fiscaliste, et son confrère spécialisé en droit immobilier. À eux deux, ils vont plonger dans un drôle de marigot. « le processus de l’arnaque est connu: on vend un bien géographiquement éloigné de l’investisseur: Dans cette affaire, les appartements se situent dans le centre de la France et mes clients sont, principalement, originaires de la région parisienne du Nord, de la Lorraine et d’Outre-mer. Les personnes font confiance au commercial et ne vont jamais vérifier sur le terrain. » La chaine des responsabilités est complexe. « Nous sommes face à une trentaine de banques, à des notaires, des commercialisateurs. Qui a été défaillant ? Ce n’est pas facile à déterminer. »

GÉRER LA COMMUNICATION

D’un point de vue pratique, le cabinet a dû s’organiser. Les deux associés ont engagé une collaboratrice pour faire face à l’afflux de travail. Il y a plusieurs aspects à gérer, dans la communication n’est pas le moindre. « Je me suis vite rendu compte que mes clients n’étaient pas des milliardaires, bien au contraire, ils sont dans une situation financière difficile à cause des emprunts à rembourser, et fragilisés psychologiquement. Ils attendent donc beaucoup de nous. » Stéphanie Choisy, sa collaboratrice sur le dossier, hoche la tête : il ne se passe pas une journée sans que trois à quatre clients ne l’appellent. « C’est un dossier chronophage, lourd à gérer », témoigne-t-elle. Les victimes sont « des gens éloignés du droit, à qui nous devons expliquer simplement nos stratégies », reprend Thibault du Manoir. Régulièrement, le cabinet organise des réunions avec ses clients, dans une salle proche du cabinet, lunée par l’association de défense des investisseurs. « C’est nous qui payons la location de la salle », précise Anita Florès, la présidente de l’association, qui a mené un travail de fourmi pour réunir le maximum de victimes.« Il a fallu se démener, parce que nous ne sommes pas tous passés par la même société de commercialisation. Nous avons investi les réseaux sociaux et, de fil en aiguille, nous avons réussi à nous retrouver.» Pour leurs avocats, l’organisation de ces grandes réunions est une nouveauté dans la relation client. D’autant que ceux-clef hésitent pas à les bous¬culer. « On ne mâche pas nos mots, on échange, on confronte nos idées. .., relève la présidente. Nous travaillons en bonne collaboration, mais on ne leur fait pas de cadeau !»Un jour, Thibault du Manoir débarque à la réunion avec quelques lourds dossiers sous la main. « Je devais me justifier de mon travail face à quelques clients qui se demandaient ce que nous faisions… Il y a beaucoup de pédagogie à faire face à un groupe. Mais c’est intéressant, voire amusant. Ces réunions, franchement, ce n’est pas ce qu’il y a de plus difficile dans ce dossier ! » La présidente respecte d’ailleurs absolument le travail de ses défenseurs: «Nous travaillons main dans la main, mais chacun à notre place. Nous défendons nos points de vue, mais nous ne maîtrisons absolument pas l’aspect juridique du dossier, ce qui ne veut pas dire que nota ne pouvons pas discuter des stratégies qu’on nous propose de suivre. »

DOSSIERS NUMÉRISÉS, SITE DÉDIÉS, NEWSGROUP

Un dossier lourd, aussi, en termes de logis¬tique. Tout est multiplié. Chaque recommandé est envoyé en 110 exemplaires. «Nous avons 50 000 pièces de base. Lorsqu’il faut les communiquer à trente défendeurs… vous imaginez.» Le cabinet a fait appel à une société extérieure pour numériser l’ensemble du dossier, gravé sur OVO. Les communications se font par voies électroniques. Outre les grandes réunions en face à face, les relations entre le cabinet et les plaignants empruntent, elles aussi, les chemins de l’Internet Les clients ont accès au dossier sur un site de partage de documents dédié. Un newsgroup permet d’échanger les dernières in-formations, de discuter. Là encore, il faut être présent, modérer parfois. « Sur le net, il y a vite des emballements, parfois sur des points de détail. Les rumeurs se transforment en angoisse collective et nous devons apporter des précisions juridiques, rassurer… Pour Thibault du Manoir du laye et Eric Hautrive, ce dossier est aussi l’occasion d’as¬seoir l’image de marque du cabinet en faisant évoluer la jurisprudence. Quel avocat n’en rêve-t-il pas ? Ils viennent d’obtenir une victoire en parvenant à faire suspendre les paiements des mensualités d’emprunt de leurs clients. Une première en France dans ce type d’affaire. Le fond du dossier, lui, est fixé à l’audience en décembre prochain. À l’arrivée, sur le plan financier, compte tenu des frais importants consentis par le cabinet, ce type de dossier n’a rien d’un jackpot. » Nous gagnons notre vie, bien entendu, mais ce ne sont pas les dossiers les plus rentables du cabinet. » Chaque client paie le même montant d’honoraires, fixé par une convention. « Compte tenu du travail qu’on leur demande, la somme est dérisoire », estime Anita Florès. Les avocats peuvent d’ores et déjà se préparer à accueillir d’autres victimes. Les abus de défiscalisation se poursuivent, et pas seulement dans le secteur de l’immobilier, selon Thibault du Manoir. « Le domaine de l’environnement sera le prochain touché », pronostique-t-il. Il se trouvera toujours des esprits malins pour-vendre du vent aux rêveurs.

Pour en savoir plus sur les recours, rendez-vous sur notre blog

Télécharger en PDF
Les commentaires sont clos.
close
Error: the FSML Contents with Widgets TEMPORARY BETA is not installed.