L’avocat et le besogneux

L’avocat et le besogneux

Monsieur Piter lors de ses rencontres avec son avocat a abordé plusieurs sujets qui lui ont permis de mieux comprendre les méandres de la justice et au final de prendre la decision de céder à bon compte ses parts sociales. Maître Thibault du Manoir de Juaye a accepté de jouer le rôle de l’avocat de Monsieur Piter en transposant ses réponses au droit français. Il faut préciser que les honoraires sont en France bien moins élevés que chez ses confrères anglosaxons.

Monsieur Piter:
Dans mon cas comment aurions-nous du juridiquement constituer notre société si nous avions voulu être associés à 50%?

Thibault du Manoir de Juaye:

Il eut fallu un pacte d’actionnaire. Deux associés qui se disputent pour prendre les commandes et d’emparer du capital voilà qui est hélas classique. Comme chacun le sait , le conflit est une perte d’énergie considérable pour l’entreprise qu’il faut absolument éviter.

Un des moyens pour éviter le conflit est de rédiger un pacte d’actionnaire qui va venir en complément des statuts et conférer à l’associé minoritaire des droits de sortie s’il n’est pas d’accord avec la politique du majoritaire.

Il faut décrire dans le pacte le « pedigree » des actionnaires. A la suite de malversations, dans une affaire récente l’autre actionnaire a découvert que son co-actionnaire avait déjà été condamné à une peine de prison de 10 mois. Il va de soi que si cette information avait été connue auparavant, jamais cet actionnaire ne se serait jamais associé et un litige couteux pour l’entreprise eut été évité.

Avant de rédiger un pacte d’actionnaires il convient de peser soigneusement les forces et faiblesses de chacun des actionnaires. Certaines personnes croient naivement que détenir 51% du capital ler confère le pouvoir dans l’entreprise. Ce n’est pas le cas.

Monsieur Piter:
Quels sont alors ces pouvoirs qui ne correspondent pas à la détention d’actions? Quels sont les critères qui vont faire d’un des partenaires de l’alliance un « mâle dominant »?

Thibault du Manoir de Juaye:

Pour me permettre de répondre à votre question je préfère prendre quelques exemples tirés de situations réelles pour vous apporter un élément de réponse.

Il faut cependant rappeler que le pouvoir est souvent composé de plusieurs « ficelles » qu’il faut savoir tirer et que les les éléments présentés ci-après ci-après peuvent se croiser et se complexifier. Le pouvoir d’une entreprise qui dépend économiquement d’un seul client sera détenu par ce client plus que par les actionnaires de l’entreprise. La détention d’une technologie ou d’un savoir faire confère également une position de puissance. Dans une entreprise présentant des fragilités de trésorerie, le pouvoir sera détenu probablement par le bailleur de fonds, qu’il soit un établissement crédit ou un actionnaire en compte courant. L’influence des salariés ou mandataires sociaux de l’entreprise doit également faire l’objet d’une recherche approfondie. La démarche à entreprendre est identique à celle qui est faite pour rechercher les hommes clefs en matière d’assurance. Le rôle des actionnaires minoritaires doit être examiné avec soin. Il arrive en effet que certains d’entre eux possédant des intérêts concurrents tentent d’affaiblir la société dont ils sont minoritaires. C’est ce qui se serait passé dans l’affaire Gemphus.

Monsieur Piter:
Pouvez vous me préciser ce qui juridiquement peut constituer un abus de minorité?

Thibault du Manoir de Juaye:

L’abus de minorité est constitué lorsqu’un vote contraire à l’intérêt social et destiné à favoriser les intérêts minoritaires au détriments de la majorité et des intérêts essentiels de la société est émis dans le cadre d’une assemblée générale de société par les associés minoritaires, ou lorsque ces associés font une utilisation abusive de leur droit de vote pour faire obstruction au fonctionnement normal d’une assemblée et à ses prises de décision. L’abus de minorité peut être sanctionné par le versement de dommages et intérêts à la société. Le minoritaire qui ne vote pas une augmentation de capital qui aurait entrainé une dilution de sa participation ne commet pas d’abus, dès lors que cette opération n’était pas indispensable à la survie de la société, la trésorerie de celle-ci pouvant être refaite par des apports en compte courant (CA Paris 3ème ch. 24 Janvier 1997, Sté Viel et compagnie finance c/ Concept)

Relation de sous traitance: choisir l’arme de la résistance passive en s’appuyant sur la propriété intellectuelle.

Monsieur Piter:
Comment améliorer la relation de sous-traitance?

Thibault du Manoir de Juaye:

Il n’est pas rare que le donneur d’ordres soit en position de force et impose différente clauses au sous-traitant qui doit les accepter sous peine de disparaître. Dès lors, la seule solution pour le sous-traitant est la resistance passive. L’arme de la resistance passive est bien souvent la propriété intellectuelle. Le sous traitant, sans en informer le donneur d’ordre, dépose des brevet et des modèles. Lorsque le donneur d’ordre veut prendre un second sous-traitant, le prmeier peut lui opposer ses titres de propriété intellectuelle.

Pour défendre un concept, mieux vaut aller sur le terrain juridique de la concurrence déloyale.

Monsieur Piter:
Comment protéger mon droit à la propriété intellectuelle de mon concept?

Thibault du manoir de juaye

Vous avez développé un concept qui n’est a priori pas protégeable par le droit de la propriété intellectuelle. Nous pourrions toutefois tenter d’invoquer la concurrence déloyale. En effet, depuis son origine, le code civil a posé comme principe que le fait fautif de l’homme entrainant un préjudice obligeait l’auteur de l’acte à réparer les conséquences de son agissement: ainsi, l’auteur d’un acte de concurrence déloyale, manoeuvres visant à détourner la clientèle d’un concurrent, à s’approprier frauduleusement sa réputation, entrainant l’exercice d’une activité commerciale irrégulière, peut voir sa responsabilité civile mise en cause dans le cadre d’une action de concurrence déloyale fondée sur les articles 1382 et 1383 du code civil, exercée par toute personne victime de ses actes déloyaux. Outre le risque de dommages-intérêts, il court le risque de se voir empêché d’exercer son activité ou gêné dans son exercice tant qu’il n’a pas mis fin à ses pratiques.

Il existe également d’autre dispositions du code civil qui précisent qu’il n’est pas possible de s’enrichir sans cause au détriment d’autrui et que l’enrichissement doit indemniser celui qui a été appauvri par cette situation . En d’autres termes, il n’est pas possible de bénéficier sans bourses déliée des investissements réalisés par une autre société que l’on aurait indûment pillé.

Pour avoir quelques espoirs de succès vous devrez don démontrer, Monsieur Piter, que vous avez transmis des informations confidentielles à Monsieur Voldart ou à la société Z. Au demeurant, et si on fait abstraction des intentions pernicieuses de Monsieur Voldar, il n’est pas anormal qu’un donneur d’ordre cherche à diversifier ses sources d’approvisionnement.

Généralement, le donneur d’ordre demande au premier sous-traitant de licencier sa technologie.

Monsieur Piter:
Quels actes peut-on qualifier d’intrusion informatique? Peut-on réellement plaider sur le terrain de l’intrusion informatique?

Thibault du manoir de Juaye:

Utiliser des troyens, mouchards, malwares est une intrusion informatique.

Ce délit est sanctionné aux termes des articles L323-1 er -2 du Code pénal. Ces peines peuvent être complétées par les sanctions prévues par l’article L323-5 de ce code.

Le tout est d’arriver à faire constater l’infraction.

Or il faut savoir qu’il existe dans la police nationale des services spécialisés, comme le BEFTI (Brigade d’Enquète sur les Fraudes aux Technologies de l’Information) ou l’OCLCTIC ( Office Centrale de Lutte contre la Criminalité liée aux Technologies de l’Information et de la Communication.) qui agissent avec diligence et efficacité. La gendarmerie possède aussi son propre service. En revanche, l’experience montre qu’il ne faut pas porter plainte dans les commissariat de quartier pour ce type de délit. Le dossier est entérré et les preuves disparaissent.

Monsieur Piter:

Juridiquement qu’est ce qu’un faux en écriture?

Thibault du Manoir de Juaye:

En droit commun, on peut définir le faux en écriture comme étant l’altération de la vérité, accomplie avec une intention frauduleuse ou à dessein de nuire, susceptible de causer un préjudice et réalisée dans des écrits et par l’un des moyens déterminés par les articles 194 à 226 du Code Pénal. L’altération de la vérité est la condition essentielle du faux en écritures. Elle peut se réaliser, suivant les termes même de l’article 196 du Code Pénal : soit par fausses signatures, soit par contrefaçon ou altération d’écritures ou de signatures […].

En l’espèce, le faux semble être un faux materiel: en effet Monsieur Voldar aurait imité votre signature, Monsieur Piter. D’après les éléments en ma possession, vous ne pouvez être présent à cette date pour signer ce document, puisque vous étiez en voyage d’affaire à Londres. Cet agissement traduit de fait une intention de nuisance à votre égard, dont le mobile est votre refus de céder vos parts. Votre préjudice subi s’ajoute à votre préjudice moral causé par la pression psychologique que Monsieur Voldar vous a fait subir en vous envoyant des lettres, et qui vous vaut une depression et un suivi psychologique!

Toutefois la durée de la procédure qui va se compter probablement en année me semble inadapté à votre cas.

Monsieur Piter:
Comment faire pour rechercher des preuves?

Thibault du manoir de Juaye:

Pour se tirer de ce mauvais pas, vous devez absolument mettre à jour les agissement de Monsieur Voldar. Pour cela, vous pouvez recourir aux possibilités offertes par le nouveau code de procédure civile.

L’article 145 du nouveau code de procédure civile précise que « s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve des faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requète ou en référé ».

Le motif légitime est défini par les tribunaux comme le fait d’avoir intérêt à conserver des preuves dans l’éventualité d’un litige dont l’existence est prouvé. Dans une affaire récente, où il fallait absolument prouver la collusion entre deux parties qui feignait de s’ignorer, la victime n’a pas hésiter à demander à ce qu’un expert informatique relève dans les messageries des intéressés tous les courriels sur l’affaire. Dans d’autres affaires, il a été possible d’obtenir une copie des disques durs des ordinateurs de TPE d’environs dix personnes.

Les frais d’une telle procédure sont relativement élevés: il faut ajouter au 3000 euros de frais d’expert, les honoraires d’avocat et compter 3000 euros de coût d’huissier.

Le débauchage: talon d’Achille pour Monsieur Piter.

Monsieur, Piter:
Que dois-je craindre si j’embauche tous les salariés démissionnaires de mon ancienne entreprise?

Thibault du manoir de juaye:

La démission globale de vos salariés de l’entreprise Z constitue votre « talon d’Achille ». Si tel est le cas, monsieur Voldar pourra se retourner contre vous . En effet la jurisprudence sanctionne depuis longtemps le débauchage massif de salariés (Cass. Com, 9 Octobre 2001; Cass. Soc., 12 Juin 2002; Cass. Com., 3 Octobre 2006)

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